Le grand rêve du projet suisse de canal du Rhône au Rhin

Association Développement 21
Format: A4, 84 pages, photos couleurs
Prix: CHF 35 + frais de port

A l’occasion de son centième anniversaire, l’Association vaudoise pour la navigation intérieure (AVNI), a sollicité notre association, via son projet Patrimoine au fil de l’eau d’Orbe, afin d’organiser l’exposition prévue pour cet événement. Bien que le canal du Rhône au Rhin a déjà fait l’objet d’une de nos études en 2004, l’opportunité de ce centenaire a fait germer l’idée d’accentuer nos recherches, notamment sur le canal d’Entreroches, et ainsi de créer plusieurs nouveaux fascicules sur ce sujet.

La brochure « Le grand rêve suisse de canal du Rhône au Rhin », est centrée principalement sur les 100 ans de l’AVNI et de son exposition dans nos locaux. D’autre part, après un bref historique sur les voies navigables en Suisse et dans le Monde de l’Antiquité à l’époque moderne, Notre brochure insère une étude réalisée par l’ingénieur hydraulique Patrick Karpinski en 2003-2004 sur une autre étude menée de 1952 à 1953 sous la direction de l’Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin, dont est issue l’AVNI, pour établir un plan d’aménagement des eaux, entre le lac Léman et le Rhin. Cette dernière fut retransmise en trois tomes: un rapport technique général, un recueil de planches technique et un rapport économique général. Karpinski a résumé cette étude en y apportant ses propres réflexions et considérations sur le projet ainsi proposé au milieu du XXe siècle. Il termine sa propre étude sur une considération de l’avenir du canal du Rhône au Rhin à l’aube du XXIe siècle.

La troisième partie de la brochure est consacrée aux différents entretiens entrepris chez des personnages ayant tous eu un lien avec les projets de cette voie fluviale. Voici ci-dessous quelques courts extraits de ces entrevues:

 

Capitaine au long cours, membre du comité de l’Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin (ASRR) depuis 1966, puis président de 1991 à 2003 de l’Association suisse pour la navigation intérieure (ASNAV), aujourd’hui son président d’honneur.

Pouvez-vous nous rappeler l’origine du projet de canal transhelvétique?

L’ASRR a été fondée en 1910 à Genève. Son premier travail fut d’élaborer un plan d’aménagement fluvial. Il prévoyait de relier la Mer du Nord à la Méditerranée grâce à une liaison du Rhône au Rhin à travers la Suisse. Le projet fut présenté à l’Exposition nationale de Berne en 1914. Le stand du «Rhône au Rhin» suscita un enthousiasme général. On y voyait un intérêt de prestige politique autant qu’un avantage économique. Aujourd’hui, la question n’est plus tout à fait la même, le problème de l’environnement prédomine, lié à un intérêt économique évident. Pourtant, l’aspect politique n’est pas négligeable, car cette liaison du Rhône au Rhin permettrait à la Suisse de participer à la construction économique européenne, sans mettre en cause le choix politique actuel. La Suisse participe déjà à la liaison européenne en construisant, à ses frais, des tunnels alpins qui coûtent au moins dix fois plus cher et ne lui rapportent rien…

Le capitaine au long cours Jean-Didier Bauer, vieux loup de mer et coriace marinier des fleuves, répète, sans la moindre note de nostalgie «Ah! ce canal transhelvétique! Dommage qu’il faille perdre autant de temps et d’argent avant de se rendre compte de sa nécessité! Moi, je ne le verrai pas.»

Afin d’examiner le projet sous l’angle technique, environnemental et économique, et voir les possibilités existantes, et sur quelles bases relancer l’idée, nous avons rencontré l’ingénieur Pierre Roelli le 17 févier 2010 à Corcelles-sur-Cormondrèche.

Comment vous êtes-vous intéressé à la navigation fluviale?

Si je n’ai guère le pied marin, je m’intéresse surtout au nouveau traitement qu’on doit réserver à la mobilité des marchandises. Le réseau routier suisse est en voie de saturation. Cette saturation est principalement provoquée par la disparité du trafic voitures/poids lourds. Sachez que 24 milliards de tonnes-kilomètres de marchandises sont transportées actuellement en Suisse. Les statistiques de 2007 de l’ARE prévoient entre 31 et 42 milliards de to-km pour 2030. Les graphiques démontrent que 80% des marchandises prennent la route sur l’axe est – ouest de la Suisse. Sur cet axe, la part du rail est mineure. Aujourd’hui le Conseil fédéral envisage un transfert modal: la route aux voitures, les marchandises légères sur le rail et les marchandises lourdes sur le fleuve. Comme 70% des industries suisses se trouvent-là à moins de 15 kilomètres d’un futur canal Bâle-Soleure-Yverdon- Lausanne, ceci ouvre une nouvelle perspective.

Comment vous êtes-vous impliqué dans le projet de Canal du Rhône au Rhin?

Depuis une dizaine d’années, je suis membre de l’Association neuchâteloise de navigation intérieure, l’ANNI, qui milite pour la construction d’un canal du Rhône au Rhin. J’y suis entré, dirais-je, un peu par hasard, pour remplacer un ami ingénieur, représentant une industrie qui soutient cette association. J’ai pris sa relève, arguant qu’un pays sans projet est un pays qui n’avance pas et par conséquent qui recule. Je pense que pour un développement durable, un terme à la mode, on est sur la bonne voie avec le fluvial.

Comment voyez-vous l’avenir immédiat?

Je suis de l’avis que le Canal du Rhône au Rhin devrait plutôt s’appeler du Rhin au Rhône car les premiers pas se feront sur le Rhin, de Bâle à l’embouchure de l’Aar. Le postulat de la conseillère aux États bâloise Anita Fetz demande au Conseil fédéral que l’on aille dans ce sens; ce dernier a d’ailleurs répondu en manifestant son intérêt. Des bases économiques et financières devraient être encore ajoutées pour que les Chambres se saisissent de l’idée. Transhelvetica et les Écoles polytechniques pourraient réactualiser le projet. Pour rendre le Rhin navigable entre l’Aar et Bâle des écluses devront être construites, ce qui permettra une augmentation de la production électrique indigène à l’aide de barrages hydroélectriques, soit nouveaux, soit en agrandissant les existants.

A l’occasion de la préparation du centenaire nous avons rencontré le reporter et romancier Michel Bory le 24 février 2010 à Grandson. Il se passionne pour la navigation et depuis quelques années défend avec ardeur l’idée de naviguer à travers la Suisse. Après l’abandon de la protection vaudoise du tracé, il a accepté de devenir membre du comité de l’AVNI. Cet entretien permet de mieux comprendre la motivation et l’enthousiasme qui animent les défenseurs du canal.

Comment et quand vous êtes-vous intéressé au Canal du Rhône au Rhin?

Quand mon père, né à Yvonand au bord du lac de Neuchâtel, fin connaisseur du terrain suisse, m’a emmené un jour voir les vestiges du Canal d’Entreroches, j’en ai été surpris et enthousiasmé. Savoir que des bateaux venant de Suisse allemande pénétraient au cœur de la Suisse romande, jusqu’à Cossonay, m’a beaucoup plu, en regrettant qu’ils ne puissent descendre jusqu’au Léman. Même si le thème me plaisait, longtemps je n’ai pu suivre le projet de canal du Rhône au Rhin, ceci pour la bonne raison que j’étais à l’étranger. J’ai notamment longtemps vécu sur une vedette de 10 mètres en Hollande, envoyant des pièces radiophoniques en Suisse, collaborant avec la BBC ou avec une station de radio hollandaise, le tout en français. J’ai attrapé le virus de la navigation intérieure en Hollande. Pour moi naviguer c’est aller quelque part, j’ai donc sillonné une bonne partie de ses nombreux canaux et mers intérieures.

Selon vous quel intérêt ce projet suscite-il encore?

Il est vrai que les choses semblent bloquées. Je suis cependant d’avis que si le vote au Grand Conseil vaudois avait lieu aujourd’hui, après la crise économique, et des nouvelles craintes écologiques, l’issue en serait peut-être différente. Nous sentons de l’intérêt du côté des Verts, aussi au niveau national, et ça c’est nouveau. Je préconise d’aller par étapes. Nous devons attendre des circonstances favorisant notre cause, telles que les inondations répétées sur le Plateau suisse, cela changerait complètement la donne et obligerait à trouver de nouvelles solutions. Quelles nouvelles solutions si ce n’est de diriger ces eaux vers le Léman?

Pour compléter ces entretiens nous avons pu rencontrer, le 15 mars 2010, au Mont-sur-Lausanne, Carole Schelker, directrice d’Impact Concept depuis quatre ans et Pierre Blanc, fondateur de l’entreprise, aujourd’hui à la retraite.

En 2006, le Grand Conseil vaudois a supprimé la protection cantonale de tracé sur le territoire vaudois. Est-ce important selon vous?

Ce n’est pas aux cantons mais à la Confédération qu’il revient de prendre une position forte pour ce qui concerne le transport fluvial, et ceci afin que des études économiques et environnementales puissent apporter des réponses concrètes quant aux opportunités d’une liaison navigable qui aille au-delà de Bâle. Les études des années cinquante sont obsolètes. La balle est dans le camp de Berne.

Le moment pour relancer le transport fluvial est bien choisi aujourd’hui. A cet égard, l’exposition que vous présentez est une bonne chose, en termes de communication au public. J’aimerais dire que ce type de transport fonctionne déjà bien en Suisse romande, sable et gravier sur les lacs et transport d’ordures sur le Rhône à Genève jusqu’à l’usine des Cheneviers, entre autres. L’étude que notre étudiant avait conduite entre Monthey et Villeneuve montrait qu’à des frais limités, on pourrait décharger les routes des régions du bas Valais et d’Aigle en transportant des marchandises sur le Rhône. Il reste aujourd’hui à prendre conscience des formidables possibilités qu’offre le transport sur l’eau.

 

Projet « gravitaire » de Pierre Roelli: point haut, le lac de Neuchatel, 3 écluses, 2 tunnels et un canal très enterré.

Comme nous l’avons signalé, cette brochure s’articule autour de l’exposition du centième anniversaire de l’AVNI, il est donc juste d’y inclure cet événement sur des pages spéciales. On a donc inséré des photographies de la journée officielle du 12 juin 2010, du Bulletin d’information de l’ASRR, des grands titres de la presse, ainsi qu’une courte chronologie de 1910 à aujourd’hui et des copies de documents qui égrenèrent ce siècle grâce, notamment, aux archives inédites des sections romandes de l’AVNI.

En plus, nous trouvons dans les annexes d’autres photographies des projets du canal, d’abord celles de plans et en particulier la traversée de Genève ou l’arrivée dans le Léman. Suivent celles qui concernent les corrections des eaux du Jura entre 1960 et 1972, puis le canal français du Rhône au Rhin et pour terminer les ports du Rhin dans les années 1920.

La brochure présente en introduction une brève histoire des canaux de navigation depuis l’Antiquité en s’appuyant sur des exemples locaux et internationaux. On peut lire ensuite un historique de l’évolution du projet de canal du Rhône au Rhin dans le contexte de la navigation fluviale en Suisse. Les aspects techniques et économiques du projet sont ensuite abordés de manière précise, mais néanmoins claire, grâce à l’intervention de membres de l’AVNI qui nous informent en outre sur les débats et l’utilité actuels du projet. La revue de presse, ainsi qu’une conclusion riche d’annexes en tout genres complètent ce travail.

Inspiration…